La crise du logement sévit dans la plupart des grandes agglos de notre pays et s’étend désormais à de nombreuses communes moyennes et rurales. Le nombre de sans abris augmente sans cesse, comme le nombre d’expulsions, le niveau des loyers, la précarité du logement, le saturnisme infantile, le nombre d’habitants affectés par les nuisibles, le mal logement …
Le rôle du maire dans les politiques du logement est prépondérant puisqu’il détient les pouvoirs en matière d’urbanisme et de logement : PLU et PLH, permis de construire, droit de préemption, services de l’hygiène, périls … Il détient aussi de larges pouvoirs de police.
Il décide des opérations ANRU ou de réhabilitation des quartiers, de la réalisation ou non de HLM, des investissements urbains, de politiques sociales. Il peut mener des politiques anti SDF, chasser les gens du voyage, les habitants de logements précaires …
Le maire peut modifier le niveau social de ses habitants, maintenir l’entre-soi (entre riches de préférence). Ces leviers sont particulièrement efficaces dans les zones tendues, métropoles et communes touristiques, où sévit la spéculation, qui conduit au remplacement des « locaux » par des habitants plus riches. Le choix de produire du logement social, ou de privilégier la production neuve de logements de rapport, dépend du maire.
Il faut aussi rappeler que les politiques d’urbanisme bénéficient en premier lieu à des intérêts privés grâce à la hausse des prix engendrée par l’investissement public. Il s’agit donc d’un transfert de richesse vers le privé, où investisseurs et milieux immobiliers … « s’enrichissent en dormant » et massivement. La politique des taux bas de la BCE, encourage aussi la spéculation et la flambée.
Loin de chercher à les neutraliser de nombreuses communes les encouragent ; profitant de la manne issue de la hausse des prix et des transactions, elles engagent alors une baisse des impôts locaux, rendue possible dans la durée par le remplacement des classes populaires par des classes aisées.
Plus les communes logent des riches, plus les impôts locaux sont faibles. Ainsi, Neuilly-sur-Seine est une des communes de France où les impôts locaux sont les moins élevés : les riches, n’ont pas besoin des aides, équipements et services municipaux indispensables aux communes populaires, puisque les écoles et clubs sportifs sont souvent privés, l’aide sociale est inexistante, la résidence secondaire à Deauville remplace les colonies de vacances…
Les politiques d’urbanisme, espaces verts, transports en commun, ville durable, embellissement, sans politique fiscale … produisent du logement cher et de la crise du logement : hausse des prix fonciers et immobiliers, des taux d’effort des locataires, du mal logement, des expulsions, du sans-abrisme et de la gentrification .… Depuis 30 ans, les gouvernements n’ont pas pris les mesures de corrections nécessaires pour restituer le fruit des opérations d’urbanisme et d’aménagement urbains, bien au contraire, puisque les instructions depuis 25 ans sont de baisser les impôts sur les plus-values et transactions immobilières et de surcroît, supprimer le financement du logement social, vendre le patrimoine public au plus offrant, laisser les prix du logement et des loyers s’envoler …
Ces politiques d’urbanisme néo libérales conduisent inexorablement au renforcement des inégalités territoriales, des discriminations socio urbaines, de la centrifugeuse sociale qui chasse les moins « munis » à la périphérie des centres économiques générateurs d’accumulation des richesses pour les nantis et de dépossession pour les autres.
Ce n’est pourtant pas inéluctable et des actions correctrices publiques sont possibles : rééquilibrage fiscal, captation des plus-values, baisse des loyers, et si nécessaire maîtrise et reconquête du foncier et de l’immobilier urbain public. Si l’État est en situation de corriger les inégalités de logement, le maire a aussi de nombreux moyens d’agir.
La politique du logement et d’urbanisme d’un maire se juge à l’aune de son impact social : il ne manque jamais, dans les métropoles et les agglomérations tendues, de logements pour les classes aisées. Il en manque de plus en plus pour les classes populaires.
Nombreuses sont les villes ouvrières conquises par les tenants d’une épuration sociale active, qui connaissent, ou ont connu, grâce à des politiques d’urbanisme agressives une transformation sociologique profonde, dans les zones tendues, et à la faveur de contextes spéculatifs impactant les centres, mais aussi les banlieues populaires.
Moins expéditives, à des fins inavouées et beaucoup plus répandues, sont les politiques d’urbanisme classiques : renouvellement urbain (destruction de logements sociaux), vente au privé de terrains publics, opérations de réhabilitation des centres anciens, à l’occasion de grands évènements (JO par ex.), ou grands projets inutiles ... Si les villes centre produisent parfois du logement social, elles soutiennent le tourisme de masse, l’attractivité économique, la concurrence entre les territoires et pratiquent le dumping fiscal.
Les populations impactées sont globalement les moins riches, connaissent l’emploi précaire, sous payé, Ubérisé, des situations familiales plus fragiles. Elles sont pour une part importante issues de l’immigration. Aux puissantes discriminations socio urbaines s’ajoutent des discriminations, inavouées mais tout aussi puissantes, au faciès ou visant les ménages pauvres, les étrangers, les Roms, les musulmans, les parents isolés …
L’attribution des logements sociaux reste sous tension, marquée encore récemment par des affaires de corruption, de fichiers ethniques et d’attributions clientélistes, accentuées par la crise du logement. Au plan institutionnel les maires qui ont la main sur les offices HLM et sur l’octroi des permis de construire, sont représentés dans les commissions d’attribution. Ils pèsent sans mal sur les bailleurs sociaux en matière de peuplement. Ceci explique pour partie les difficultés de mise en œuvre de la loi DALO, alors que le contingent municipal, selon la loi Egalité et Citoyenneté de 2017, devrait contribuer pour un quart de ses attributions annuelles au relogement des prioritaires DALO. On en est loin, la « Dalophobie » est bien ancrée dans certains territoires et certains services.
Quelques maires en France, par une politique active de préemption des terrains et immeubles privés, ont pu produire des logements sociaux en grand nombre, limiter la spéculation et stopper la centrifugeuse socio-urbaine. Mais la pression spéculative, soutenue aussi par la baisse des taux bas de la BCE et le développement des transports publics (TGV, tramway, Grand Paris, est plus puissante que jamais.
Pour répondre aux urgences et protéger ses administrés, le maire détient des pouvoirs de police, qu’il peut employer face à la mauvaise foi et à l’inaction du gouvernement, à ses politiques du logement désastreuses et à la violation des droits des personnes sans-abris, des prioritaires DALO et DAHO, des habitants de logements ou d’îlots insalubres, des habitants expulsés sans relogement…
Le maire peut agir aussi dans les domaines de l’environnement, du cadre de vie et des services publics, contre les passoires thermiques, pour la production d’énergies renouvelables, pour la municipalisation des services d’eau, …
C’est pourquoi la Fédération DAL, appelle les candidats et les futurs maires, y compris les communautés de communes, à prendre des mesures pour protéger leurs administrés, combattre la spéculation, le logement cher, principales causes de la crise du logement et des discriminations urbaines :